De l’ordre commercial mondial à la « diplomatie du sommet ». Quelle place pour le Canada?

Afin de comprendre la nature du G7 qui commence aujourd’hui à Charlevoix, il faut se rappeler que ce regroupement des pays les plus industrialisés a commencé par être le reflet de l’ordre européen qui régnait au XIXème siècle.

Si Metternich et Castlereagh (le premier fut ministre des affaires étrangères – Chancelier par la suite –  de l’Autriche et le dernier son homologue britannique) étaient les artisans du maintien de l’ordre après les guerres napoléoniennes qui ont chambardé l’Europe, un siècle plus tard reviens au président français Valéry Giscard d’Estaing de promouvoir un autre ordre, cette fois-ci économique.

Sa démarche s’inscrivait dans la quête française de comprendre le ressort du système monde qui se dessinait dans le sillage de deux crises qui n’ont pas reçu une réponse ni scientifique ni pratique adéquate : celle de l’abandon de l’étalon-or en ’71 et  le premier choc pétrolier du ‘73. Le leader français était persuadé qu’une rencontre débarrassée d’un certain formalisme entre les chefs d’états et des gouvernements des six principales puissances économiques pourrait être la solution miracle pour les interrogations  légitimes qu’il se posait.

Après Rambouillet en ’75, ce fut le tour du président Mitterand en ’82 d’insérer les interconnections de l’employabilité, de la croissance économique et de la technologie dans le débat du G7 (avec l’entrée du Canada dans le group). Pourtant, malgré le mélange philosophique entre ces deux visions, ce regroupement n’a suscité aucun intérêt ou débat particulier au niveau de l’opinion publique de l’Hexagone. Des explications peuvent être valides pour saisir le contraste évident avec l’élan canadien quant au bienfondé du sommet sur des multiples plans : en France l’école prédominante dans les Relations Internationales est celle qui trouve ses racines dans la ligne de pensée de Raymond Aron qui est toujours fidèle au principe de non-institutionnalisation et la non-coopération, tandis qu’au Canada le multilatéralisme est perçu comme une pierre angulaire de la politique étrangère.

Les médias de l’establishment accordent toujours des notes maximales aux sommets, faisant l’écho du désintérêt de l’opinion public pour ces types de rencontres, tandis qu’au Canada la sévérité des médias (y compris pour le grand rendez-vous) est en concordance avec la méfiance du public envers ces évènements dont les résultats tangibles sont difficiles à déceler. La réaction de la classe politique diffère d’un bord et de l’autre de l’Atlantique : ces rencontres internationales appartiennent, pour les français, au domaine réservé du Président (depuis la gouverne de Charles De Gaulle) alors qu’au Canada les groups de concertation qui gravitent autour des thématiques spécifiques détiennent une place privilégie dans l’élaboration de l’agenda du premier ministre.

Comment expliquer donc l’appétence du Canada pour ce type de sommet? Des experts nous enseignent que c’est le multilatéralisme qui détermine la conduite de la politique étrangère du pays. Ce modus operandi constitue sa marque de commerce sur la scène internationale, une forme particulière de mener l’art de la diplomatie lorsque les grandes occasions se présentent. Si cette manière d’exercer la politique internationale fut nommée « la diplomatie de sommet » (Nelson Michaud), celle multilatérale, à son tour, se rattache à la notion de la « diplomatie concertante » (John Kirton), une forme de collaboration où chaque acteur diplomatique peut contribuer et participer d’un pied égal avec les autres intervenants.

Ces deux avatars de la diplomatie, celle « concertante » et celle « de sommet » se retrouvent dans un lien indestructible quand le Canada est appelé à participer dans les grands forums multilatéraux.

L’adhésion du Canada au groupe de G6 à Porto Rico, représente selon le diplomate Alain Gotlieb, un moment décisif dans sa politique étrangère puisque la présence du Canada au sein des forums multilatéraux est perçue alors comme un paramètre indispensable pour faire avancer le programme politique du pays. L’emploi d’une tactique semblable favorise le Canada dans l’initiative  d’entretenir ses réseaux au niveau international et en même temps, renforce les liens dans des forums multilatéraux. Il est tout à fait logique qu’ultérieurement, la stratégie de la politique internationale du Canada en 1995 était fondée sur un énonce de base qui prévoit explicitement le fait que « le Canada peut faire avancer ses intérêts globaux par son rôle actif au sein de tous les regroupements internationaux clés, par exemple en étant l’hôte du G7 ».

La difficulté de conserver cette stratégie s’avère un exercice complexe puisque dans les forums multilatéraux, au fil des ans, les changements apportés au niveau institutionnel (l’importance du communiqué final, la préparation en amont des sommets, la formalisation des échanges sur des thèmes amplement négociés) ont modifié d’une manière drastique tant le comportement des pays qui y participent que l’attention que le public international leur accorde.

La pression exercée dans ces circonstances crée une sorte d’émulation entre les participants qui essaient de tirer leur épingle de jeu le mieux possible.

La préservation du Canada au sein du G7 s’avère une solution fondamentale pour sa politique étrangère. Les exercices d’imagination qui comporterait tout changement à cette situation devraient être très audacieux et douloureuses pour nous tous, dans les années à venir.

Foto: Fabien Durand (Equipe Photo G7)

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